dimanche 7 décembre 2014

Chronique: DEAD CONGREGATION - Promulgation of the fall (2014)




Cinq ans ! Plus de cinq ans qu’on attendait le successeur du monumental Graves of the archangels. Le précédent opus des grecs avait fait l’effet d’un gros pavé gluant dans la mare fangeuse du mort-metal. Le genre de truc qui rendait hommage aux sources et aux canons du genre tout en faisant montre d’une belle personnalité. Et qui avait remporté un beau succès d’estime. Après ça on pouvait attendre logiquement une suite de carrière (Seigneur que ce mot est laid…) plus que prometteuse. Sauf que ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé.
A la place on a eu droit à une très longue attente meublée de rien. Ou presque, à peine un split famélique avec Hatespawn dans la foulée. Et encore, Dead Congregation ne proposait que du réchauffé, laissant les collègues faire le show. Même en rajoutant quelques concerts de-ci de là, c’était peu. Le groupe restait dans les limbes de l’underground alors qu’il méritait le devant de la scène. Mais non, Anastasis and co. nous faisaient patienter pour livrer ce tant attendu deuxième rejeton. C’est même un beau destin à la Immolation qui se profilait : d’abord mettre tout le monde à genoux avec un premier album en forme de « coup d’essai, coup de maître », puis disparaître pendant dix plombes.
Mais bref, là c’est moi qui vous fait attendre. Il est désormais là, tout beau et brillant entre nos paluches tremblotantes de joie contenue. Alors, que vaut ce Promulgation of the fall ? Hé bien… c’est un coup de marteau sur le crâne. Voilà.

Pour dire les choses simplement : retour aux sources. Facile, mais en même temps c’est exactement ça : Dead Congregation revient à la base, au mcd Purifying consecrated ground, soit un death massif, alambiqué et étouffant. Sans fioritures, sans artifices. Sans samples également. Ah, je l’ai bien entendue celle là, la rengaine idiote sur  « l’album a moins d’ambiance, il n’y a plus les samples de chants grégoriens », et elle m’a bien chauffé les oreilles ! Qu’on se le dise, ce ne sont pas les samples qui font l’ambiance d’un album, ce sont les guitares. Les riffs putrides, les tremolos sordides, les tons décalés, les soli épileptiques à la limite de la rupture. C’est là qu’est l’essence du death, c’est à ces fondamentaux que revient Dead Congregation.
A ce niveau on est servi. Pas que les riffs soient justement particulièrement catchy, au contraire. Ils sont magmatiques, mamouthesques, suintants et tricotés ensembles avec un grand soin, mais sans jamais être immédiatement accrocheurs. On a toujours autant de jeux sur les larsens et dissonances diverses, et donc toujours cette même ambiance de déréliction mentale et de profonde morbidité, comme sur les sept minutes de délire malsain de ‘Schisma’. Ça pue la charogne. Ce n’est plus la guerre contre les archanges, c’est la décomposition de l’esprit et de l’âme qui est mise en musique. Elle est là, la promulgation de la chute, dans ces dégoulinades de six cordes maudites, et dans ses imprécations textuelles qui manient toujours aussi bien la poésie maladive et dantesque (lire par exemple le texte de ‘Nigredo’ écrit par le vieux compère Timo ‘Dauthus’ Ketola). On se regarde dans le miroir et on ne voit qu’une épave, elle-même porte ouverte vers un enfer intérieur. Ce disque est un cauchemar éveillé, presque épique dans son horreur.


Dead Congregation nous la jouent donc plus que jamais à la Immolation. Dans les riffs, dans l’ambiance sombre et suintante de déchéance qu’ils expriment. Et dans le parcours. Il aura à l’époque fallu attendre cinq ans avant d’avoir le successeur du prestigieux Dawn of possession, et les new-yorkais avaient alors enfanté dans la douleur un Here in after moins marquant mais plus glauque. Même chose avec la morte congrégation, qui livre ici un opus de haute qualité mais moins immédiat d’accès, moins impressionnant de prime abord, plus ramassé sur lui-même. Et au final peut-être encore plus sale et étouffant. Dead Congregation reste toujours aussi solide et prend tout son temps pour construire son temple de boue et d’ossements, quitte à impatienter et même décevoir ses adorateurs. Peu importe, les catacombes de Rome ne se sont pas creusées en un jour. On espère seulement qu’à l’instar des américains cités plus haut ils vont désormais accélérer un peu la manœuvre, et qu’on ne devra pas attendre le prochain méfait jusqu’en 2019, le succès leur venant avant. Ils le méritent.